Autrefois opposés, les mondes du luxe et du digital ont fini par se rejoindre. Aujourd’hui, le marketing du luxe n’hésite plus à user des outils du web.
C’est une histoire d’amour qui vient de loin. D’un côté, une industrie qui mise sur la rareté et l’exception ; de l’autre, le monde du web, un marché de masse nourri d’actualité, de transparence et de gratuité, le lieu des bonnes affaires et du tout-public. Deux univers que tout opposait, et qui sont pourtant devenus complémentaires par la force des choses. De sorte que le luxe digital n’est plus un oxymore, mais une puissante association marketing.
Les 3 grandes ères du marketing du luxe digital
Il est vrai que les valeurs de l’un et de l’autre semblaient jusque-là contradictoires. Le marketing du luxe s’est toujours appuyé sur des sources considérées comme « plus sérieuses » que le web cynique et caricatural. Il suffit d’ailleurs de tourner les pages des magazines d’actualité dans la salle d’attente du docteur pour se rendre compte que les publicités du luxe sont encore l’apanage de la presse papier.
Or, depuis quelques années, une histoire d’amour est en train de prendre corps. Malgré des fiançailles orageuses et de longue durée, le luxe et le digital ont fini par convoler en juste noces. Trois périodes clés ont marqué ce rapprochement :
Le luxe digital 1.0, de 2000 à 2005. C’est l’époque du e-commerce. Hermès, Tiffany, Burberry, Gucci sont parmi les premières marques de luxe à se lancer dans la vente en ligne.
Le luxe digital 2.0, de 2006 à 2010. C’est l’époque de la communication sur les réseaux sociaux.
Le luxe digital 3.0, à partir de 2011. C’est l’époque de l’e-marketing, quand les maisons du luxe placent le marketing numérique au sein de leur stratégie de vente, sans pour autant prêter le flanc à la moindre accusation de transformer leur business model en direction du grand public.
Le constat est clair : la digitalisation du luxe est en cours. En 2015, selon l’Observatoire de la digitalisation des marques du luxe, le digital a pesé 6 % dans le chiffre d’affaires des marques du luxe. Et les experts estiment que ce chiffre devrait tripler d’ici à 2020.
Comment le luxe s’est approprié les outils du digital
Qu’on ne s’y trompe pas, pour autant : le digital n’a pas absorbé le luxe. D’une certaine manière, c’est l’inverse qui est en train de se produire. Le luxe s’est approprié le digital et ses possibilités comme des outils parmi d’autres pour se faire mieux connaître des consommateurs et améliorer la relation entre leurs produits et leurs clients.
Optimiser la relation client
C’est en optimisant ce qui fait l’essence du luxe – la relation client élevée au niveau de l’exceptionnel – que le digital apporte sa pierre à l’édifice. Le numérique permet au monde du luxe :
D’accélérer l’enregistrement et la livraison des commandes ; certaines marques proposent par exemple de vérifier en ligne, en temps réel, la disponibilité d’un produit en boutique.
S’appuyer sur la géolocalisation pour aider la clientèle à repérer les boutiques ou les services annexes (par exemple les lieux où il est possible de déposer ses capsules Nespresso après usage).
Développer la relation client à distance : Longchamp propose notamment à sa clientèle d’entrer en communication avec un conseiller, afin d’être accompagné lors du processus d’achat en ligne. De leur côté, Cartier, Gucci et Vuitton prennent soin d’entretenir un service personnalisé avec leurs clients, via une assistance téléphonique ou mail, ou par la planification de rendez-vous en boutiques.
ar digital, il ne faut pas entendre uniquement internet et les réseaux. Il s’agit également de solutions qui se déploient au sein même des boutiques afin d’améliorer l’expérience client. Chez Nespresso, par exemple, outre les traditionnels services en caisse, le consommateur a la possibilité de payer ses achats directement sur une borne automatique. Celle-ci pèse le sac et détermine toute seule quels paquets de capsules s’y trouvent.
De sorte que l’une des grandes valeurs véhiculées par le luxe depuis des décennies, la notion de liberté, a été renforcée par le mariage avec le digital.
Les sites et les blogs liés au luxe : un tremplin marketing inestimable
En amont du service proprement dit, il y a une étape essentielle : la préparation de l’achat. Selon une étude menée conjointement par Albatross et 1000mercis, et publiée en octobre 2015, les avis glanés en ligne comptent désormais pour 30 % des incitations à l’achat dans le domaine du luxe, contre 8 % en 2014. Soit une augmentation de 24 % en un an ! S’il est vrai que l’expérience en boutique reste fondamentale pour les consommateurs, avec ce qu’elle implique d’attentes en termes de courtoisie et d’expertise, il semble donc qu’un nombre croissant de clients du luxe préparent leurs achats bien en amont en surfant sur internet.
Entrons dans le détail. Toujours selon cette étude, 56 % des consommateurs européens de produits de luxe privilégient les canaux digitaux comme sources d’information avant un achat. L’acte d’acquisition lui-même reste encore majoritairement attaché à la boutique physique. En effet, 75 % des clients qui se renseignent en ligne concluent leurs emplettes dans les magasins, et notamment dans les boutiques mono-marques.
Canaux digitaux et vitrines d’informations qualitatives
Par canaux digitaux, on entend tous les supports en ligne sur lesquels peut s’exprimer une marque. Son site internet dédié, bien entendu ; les réseaux sociaux. Mais également les sites et les blogs des passionnés, qui contribuent à optimiser considérablement la visibilité des produits, et par là, à soutenir le marketing du luxe. Chronotempus pour les montres ou Needsandmoods pour les produits de beauté sont des vitrines d’informations qualitatives que les acheteurs plébiscitent et que les marques n’ignorent plus.
Ces blogs, parce qu’ils sont devenus petit à petit des leaders d’opinion et qu’ils génèrent une audience importante, ont progressivement été sollicités par les marques pour parler de leurs produits. Il ne s’agit pas de vulgaire placement de produits, mais d’une bonne entente entre de grandes maisons, qui veulent accentuer leur présence sur la Toile, et des blogueurs exigeants qui en profitent pour exprimer tout leur amour pour une marque.
Enfin, les réseaux sociaux permettent aux marques de diffuser auprès des consommateurs des informations sur leurs nouveaux produits (59 % des clients du luxe suivent l’activité des marques sur ces réseaux) ainsi que des promotions (regardées de près par 31 % d’entre eux). Mais leur vrai pouvoir n’est pas dans la simple newsletter. Les réseaux sociaux sont une source de prolifération des photographies et des vidéos de célébrités qui promeuvent, plus ou moins volontairement, les produits de luxe. De la même façon qu’une montre Omega au poignet de James Bond au cinéma peut faire bondir les ventes en magasin.
En conclusion : luxe aeterna
L’enjeu du mariage entre le luxe et le digital est double. Dans un premier temps, l’univers du luxe améliore sa relation client auprès des consommateurs traditionnels de la marque, en leur proposant toutes sortes de services et en les chouchoutant. C’est l’objet des caisses automatiques chez Nespresso. Ce système ne vous incitera pas à acheter une machine et des capsules si vous n’étiez pas déjà client, mais il améliore grandement l’expérience d’acquisition si vous êtes membre du club.
Dans un second temps, le marketing du luxe prend appui sur les outils du digital afin d’élargir son audience et de toucher un public plus jeune – les digital natives – qui a l’habitude de consommer en ligne. Et pas seulement plus jeune, mais aussi éloigné géographiquement. Ainsi, il n’aura pas échappé aux marques que les clients asiatiques du luxe sont, à 60 %, hyperconnectés, qu’ils passent leur temps sur les sites internet et les réseaux sociaux à glaner des informations, et qu’ils viennent acheter après s’être minutieusement renseignés.
Le bénéfice d’une présence accrue sur le web est inestimable. Un jour ou l’autre, les marques le savent, les acheteurs numériques auront remplacé les clients attachés à la transaction physique. Et l’avenir, c’est aujourd’hui que ça se prépare.
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